Anecdotes

Serena, la tortue luth

 

En 20 ans, l'équipe du bateau de pêche lampedusien  "Serena", dirigée par le capitaine Filippo Solina, a sauvé plus de 500 tortues de mer. Comme il le dit lui-même « si nous aidons la mer, la mer nous aidera dans les moments difficiles ». C’est avec cette philosophie qu’il ramène chaque année toutes ces tortues marines afin de les sauver. Mais le 14 août 2014, sa découverte fut un peu spéciale… une tortue luth (Dermochelis Coriacea). Cette espèce, la plus grande des tortues marines, peut atteindre les 600kg et il est extrêmement rare de la trouver en Méditerranée. (Seulement une douzaine en 200 ans).

 

C’est ainsi que cette géante de 200kg fut chargée sur la voiture et emmenée au centre, pour y être prise en charge par les vétérinaires afin de lui retirer un hameçon planté dans sa nageoire.

Nous avons appelé cette jeune femelle de 8-10 ans, Serena comme le nom du bateau de ses sauveurs. Pendant sa convalescence, elle a expulsé une importante quantité de plastique et de mégots de cigarette, les marques de l’activité humaine sur la nature.

 

C’est à Cala Pisana qu’elle fut relâchée par les mêmes hommes qui l’avaient récupérée. Ce fut beaucoup d’émotion de voir cette tortue glisser vers la mer d'une façon si particulière, tel un oiseau à grandes ailes, et finalement de la voir disparaître dans l’eau ou elle a pu retrouver sa liberté bien aimée. Le capitaine et son équipage quand à eux, continuent leur travail jusqu’à la prochaine tortue à sauver…


Homerous

 

Homerous est une femelle arrivée en 2008 de Marsala, avec une importante blessure à la patte et une paralysie des membres postérieurs dûe à la section d’une partie de sa colonne vertébrale, probablement causée par l’hélice d’un bateau.

 

La pauvre tortue ne pouvait plus se déplacer et s’alimenter correctement avec une seule nageoire valide. Elle s’est finalement retrouvée dans les filets d’un pêcheur, sensible à la cause des tortues, qui l’a ramenée jusqu’au port de Marsala, où l’équipe du WWF l’a fait transférer jusqu’à Lampedusa.

 

Les radios ont finalement montré l’incapacité de réparer l’humérus (d’où son nom), l’obligeant alors à demeurer au centre. Elle reçut les traitements pour guérir son infection à la patte et depuis, elle sensibilise le public à la protection de l’environnement.

 

Les vétérinaires continuent leurs recherches pour trouver un moyen orthopédique ou neurologique qui lui permettrait de retrouver sa vitesse. En attendant elle réalise régulièrement des randonnées aquatiques en mer pour s’exercer et garder le contact avec son environnement.

 

Cet exercice un peu spécial lui a permis de développer une musculature de remplacement, qui doit lui permettre de retrouver sa liberté et son habitat même si elle reste encore assez lente dans ses déplacements. Grâce à l’aide de la fondation Octopus, elle sera équipée d’un système de radio-tracking qui nous permettra de la suivre  et de découvrir les mystères de la vie marine.


 

Le défi d’Amanda.

 

 

 

Une nuit d'été, sur une plage isolée de la Sicile, une tortue grimpe péniblement le rivage pour pondre ses œufs. Mais des pêcheurs se rendent rapidement compte que la tortue est blessée. En effet, elle présente une grande entaille sur la carapace qui expose ses poumons. Les pêcheurs la transportent donc au plus vite au WWF, d'où elle sera transférée par bateau à Lampedusa. A son arrivée, nous découvrons avec surprise le reste de ses œufs au fond de son bac.

 

Amanda, comme elle a été  baptisée par les volontaires, a un grand désir de vivre. Elle est très précieuse car c’est une femelle en âge de procréer. Etre capable de la guérir, signifie être en mesure d'assurer de nombreuses générations dans l'avenir. Voilà pourquoi nous avons accepté le défi d’une blessure si profonde, avec l’exposition des organes internes, qui affaiblirait tout autre animal, mais pas une tortue.

 

 

 

La partie difficile a été de déterminer comment protéger les organes internes de l'eau de mer, tout en permettant d’accéder à la blessure pour soigner son infection. Ainsi, grâce à l’aide de tous les bénévoles et des précieux conseils du professeur A. Di Bello,  nous nous sommes efforcés de trouver une solution. C’est ainsi qu’Amanda s’est vu installée une boîte en plastique taillée sur mesure sur la carapace afin de la protéger de l’eau de mer. Le couvercle se retirant, les traitements restaient possibles. En attendant d’être guérie et de retrouver sa liberté, Amanda se nourrit de calamars et reçoit régulièrement des méduses de la part des visiteurs. Elle joue aussi le rôle d'ambassadeur d'une espèce en danger d'extinction auprès du public.

Souvent, le soir, quand les visiteurs partent, les bénévoles lui donnent de la nourriture avec tendresse. Elle résiste, continue à aller de l'avant, malgré toutes les difficultés.


 

Parfois, elles réapparaissent ...

 

 

 

L'Italie protège les tortues de mer par des décrets du ministère de la marine marchande, déclarant cette espèce comme appartenant au patrimoine national. Chaque tortue hospitalisée au Centre d'urgence, doit être déclarée au ministère de l'agriculture et des forêts et baguée aux nageoires antérieures avant sa libération pour être reconnue si elle venait à être repêchée. Mais depuis quelque temps, les milliers de tortues relâchées durant ces 20 dernières années en Méditerranée pointent de nouveau le bout de leur nez.

 

 

 

Une tortue restera historique, car elle a été la première emmenée à Lampedusa, en 1990. Un jeune pêcheur, est venu au Centre en scooter, la tortue posée sur ses genoux. Quelle excitation quand sept ans après, le jeune lampedusien, maintenant père d'un enfant, nous a appelé à bord de son chalutier, pour nous apporter une tortue. Grâce aux bagues nous avons découvert qu'il s'agissait de la tortue qu'il avait sauvé, alors qu’il était encore jeune homme ! Elle avait grossi de 17 kg et grandi de 20 cm !

 

 

 

La tortue qui a battu le record des surprises est un mâle de 77 kg, récupéré au large de la côte de Lampedusa, la première fois en Juillet 2008 par un bateau du Ministère. Etant en bonne santé il fut relâché seulement quelques jours plus tard. Quelle surprise de le reconnaître seulement un mois plus tard,  pêché par le même bateau ! Mais encore plus, quand un autre navire  l’a repris dans ses filets en Octobre. À ce moment-là, nous avons installé un système de radio-tracking sur sa carapace. Nous avons alors pu le suivre jusqu'au printemps durant sa migration en Méditerranée. Il choisit de passer l'hiver en Grèce où il put se reproduire avec des femelles avant de revenir dans les eaux de notre île.

 

 

 

Une autre tortue, sauvée en Septembre 2003 à Lampedusa fut retrouvée en Juin par les pêcheurs grecs, prête à pondre ! La tortue la plus étonnante fut relâchée de Lampedusa en septembre 2003 et retrouvée, malheureusement morte, sur les plages du Massachusetts aux Etats Unis en novembre 2015. Tant d’histoires racontées par de simples plaquettes sur des tortues ! Les routes annuelles des tortues marines en Méditerranée sont encore pratiquement inconnues, mais il semble clair que dans leur recherche de la nourriture, les tortues suivent les courants chauds à la recherche de méduses et poissons.


 

Un hôpital un peu spécial

 

 

 

Chaque après-midi, on ouvre la porte du Centre de sauvetage des tortues marines, pour accueillir les visiteurs qui posent des questions sur les patients. C’est avec passion que les bénévoles, véritables anges gardiens des tortues,  expliquent les différentes situations cliniques et les problèmes liés à la survie d'une espèce en voie de disparition.

 

Mais quand une tortue marine arrive blessée, elle doit passer dans une petite salle du centre, que nous appelons, la chambre des miracles. Cette pièce, c’est la salle d’opération. Tellement d’émotions ont été partagées dans cette pièce entre les vétérinaires, les biologistes et les bénévoles.

 

 

 

Lorsqu’une tortue arrive au centre, il est important d'évaluer immédiatement la cause et l'étendue des blessures et d’organiser l'arrivée de nos vétérinaires, coordonné par le professeur A. Di Bello du Département Vétérinaire de l’Université de Bari. L’été, les opérations les plus courantes sont les retraits d’hameçons et de lignes de pêche. L'intervention chirurgicale est organisée après de nombreux tests : radios, ultrasons, tests sanguins… Ces tests nous aideront à comprendre ce qu’il y a exactement à l'intérieur de la tortue, parce que même l'œil expert du meilleur vétérinaire ne peut jamais prédire les dangers qui peuvent être cachés dans le corps des tortues.

 

La chirurgie est précédée d'un rituel précis : la préparation d'instruments, qui doivent être stérilisés, le choix de la technique la plus appropriée, les sutures, et le trachéo-tube qui permet de relier la tortue à la machine anesthésique afin qu’elle ne ressente pas la douleur.

 

Autour de la table d'opération, le chirurgien habillé de vêtements stériles, a entre ses doigts gantés la vie de la  tortue. C’est ainsi qu’il va pouvoir atteindre l'œsophage, l'estomac ou  l'intestin à travers l’ouverture chirurgicale.

 

Après la thérapie antibiotique, l’animal est immédiatement remis dans sa vasque et le voir nager est la meilleure des récompenses après tous les efforts et l'appréhension accumulés durant les heures de chirurgie. Chaque opération est un défi, où le courage et le professionnalisme sont nécessaires pour atteindre l'objectif : sauver une autre tortue.


 

Les anges des tortues

 

 

 

On n'a jamais eu beaucoup de moyens pour lutter contre l’extinction des tortues marines, en particulier ici à Lampedusa où l’on ne reçoit aucun soutien financier. Mais grâce à la collaboration de certains pêcheurs, la compétence d’un expert chirurgien comme le professeur A. Di Bello, l'engagement de collègues spéciaux et surtout la force des nombreux bénévoles qui, chaque année, consacrent du temps et de l'énergie à notre centre, de nombreuses tortues ont pu être sauvées.

 

Les bénévoles passent leurs journées à nettoyer les bassins, à effectuer certains soins aux tortues, ou encore à accueillir les visiteurs en expliquant l’importance de la protection des espèces. Même si la fatigue se fait sentir, ils gardent le sourire et leur désir de donner. Ils sont la plus grande richesse du centre : les bénévoles sont les vrais anges gardiens des tortues, capables d’assurer la gestion du centre, année après année, d’aider à guérir des centaines de tortues, mais aussi de poursuivre les nombreuses études sur ces nageurs infatigables.

 

Souvent ce sont des étudiants engagés qui viennent récolter des données pour leur thèse, ou simplement des gens qui veulent tester leur passion pour l'environnement et la nature. Il y a des professionnels, des vétérinaires et des biologistes, qui veulent améliorer leur expérience dans le domaine. Ils viennent souvent de tous les coins de l'Italie, mais parfois ce sont des étrangers qui viennent aider, canadiens, français, allemands, turques, australiens. Dans le centre, on entend alors parler plusieurs langues, et parmi toutes, un anglais bizarre un peu cassé, mais c’est avant tout la passion et l'amour que chacun met dans le soin des tortues qui permet la compréhension entre tous.

 

 Les volontaires partagent une maison, préparent les repas ensemble, partagent leurs tâches au quotidien. Ils construisent des amitiés qui restent pendant des années. Les réseaux sociaux aident cette petite communauté à rester connectée.

 

Quoi qu’il arrive, les bénévoles, ces anges des tortues, continuent de sourire en réfléchissant avec enthousiasme à un moyen d’arrêter l'extinction des tortues.


 

LDV - Turtle Vet

 

 

 

Au fil des années, nous avons réalisé des réunions et des conférences à Lampedusa, afin de diffuser les différentes techniques chirurgicales développées en 15 ans d'expérience avec l’aide du professeur A. Di Bello. Chaque fois c’est fascinant de voir tant de cultures, tant de méthodes, et de nombreuses histoires se rejoindre vers un seul but, la conservation des tortues.

 

 

 

Pendant deux ans, le programme Leonardo da Vinci, qui fait partie du programme d'éducation permanente de la Commission européenne, a financé la mobilité du TurtleVet, un projet que nous avons présenté en collaboration avec nos collègues d’Espagne (l'Association SUBMON), de Croatie (Pula Aquarium) et de Turquie ( DEKAMER), ceci afin de mettre en œuvre la coopération entre les centres de sauvetage de tortues de Méditerranée.

 

 

 

Dans l'atmosphère familière et douce de l'île,  notre hôpital a accueilli les collègues étrangers autour des vasques. Les différentes langues se croisent, mais trouvent toujours un moyen de se comprendre. Nos partenaires sont désormais des amis précieux qui partagent l'engagement et l’envie de défendre les tortues dans les 4 coins de la Méditerranée. De l'Ouest, est venue Mariluz Parga, vétérinaire espagnol, avec qui, je partage la responsabilité d'organiser la réunion de médecine vétérinaire dans le Symposium mondial sur les tortues chaque année. De l’Est est venu Yakup Kaska, professeur à l'Université de Pamukkale en Turquie et représentant de la région méditerranéenne. Du Sud, est arrivé Yaniv Levy, directeur du parc national de sauvetage des tortues d’Israël, et son collègue Zahi Aizemberg, professeur à l’école vétérinaire de Tel Aviv. Pour coordonner les discussions avec moi il y avait ma collègue, Marina Zucchini et le professeur Di Bello qui a pu alors, opérer une tortue assisté d’une équipe internationale incroyable.

 

 

Comme toujours, c’est à nous d’exprimer notre gratitude envers les tortues, car grâce à elles, nous vivons des expériences inoubliables ... comme le rêve d'une Méditerranée sans frontières, où la vie triomphe toujours !


 

Les chiens du centre

 

Durant votre visite, vous pourrez être accompagné par les chiens du centre, Nemo (en haut à gauche), Poldo (en haut à droite), Léa (en bas à gauche) et Téa (en bas à droite)